Rencontre possible

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Gloinnen
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Rencontre possible

#1 Post autor: Gloinnen » 20 wrz 2012, 21:08

RENCONTRES POSSIBLES

L'absence parfaite n'existe pas.



I.

La présence est capricieuse: elle dépend de tant de choses! Elle ne sort jamais en dehors de sa réalité solide. Elle se produit en tant que telle. On ne peut y rien changer. On la reçoit et on l'accepte.
La présence est aussi une rencontre. Au moment où elle se produit, elle s'imprime pour toujours sur les lèvres de l'espace. Elle est décrite et organisée du début jusqu'à la fin. Et tout à fait immuable, coincée dans l'ici et le maintenant du réel.
Mais la présence parfaite, celle à laquelle nous songeons de nuit en nuit, est celle qui se découvre dans l'inexistance.
Je ne veux pas parler d'une rêverie idiote. Je veux parler d'une simple possibilité. Car l'absence est sans cesse enceinte de sens, si chargée de cheminements à reconstruire. C'est nous qui la fécondons des facultés d'une naissance éventuelle.

Plus N. est loin de moi, plus elle m'est proche. Soudain, tout semble miroiter de référants. Le temps et l'espace chancellent, et N. tournoie avec eux dans l'indicible.



II.

Non, il n'y eut pas d'amour entre N. et moi. Ou bien, il n'y eut pas l'amour tel qu'on est habitué à l'imaginer. Donc, pas d'intimité. Pas de rencontres secrètes. Nous ne sortîmes jamais du cadre des rendez-vous tout à fait officiels, ceux de deux enseingants universitaires rédigeant ensemble une monographie sur les enfants hyperactifs. Je ne me souviens même plus du titre de cet ouvrage. Cependant je me souviens très bien de N. Elle habitait le quartier Montorgueil-Saint-Denis à Paris. Plusieurs fois je m'étais hasardé dans le dédale des rues piétonnes de ce quartier, pour respirer un peu sa simplicité élégante. Et j'en revenais toujours décidé à tout entreprendre. Il me fallait absolument faire quelque chose. Mais ce quelque chose ne laissait tout de même apparaître nulle idée concrète, rien qu'un appel brumeux, suspendu entre les toits des maisons jaunâtres du 2e arrondissement.

*
Comment était-elle? Je ne parviendrais pas à la décrire de manière exacte. Que sait-on sur les mensonges imprimés dans notre façon de voir l'autre? A-t-on assez de lucidité pour les maîtriser?

*
J'examinais N. inlassablement, pendant nos rencontres habituelles, quand nous discutions de notre projet dans les annexes universitaires de P., ville éloignée de Paris d'une heure de RER. Plongés dans des tas de papiers, nous cherchions toujours à approfondir le superficiel des théories, le saisi du fugitif. Une éternelle cigarette dans la bouche, N. était très concrète, claire et elle ne me laissait jamais m'évader de ce contexte restreint du travail partagé. N'empêche que je continuais à la lire, au moyen des promenades dans le labirynthe de ce texte ancestral qu'elle portait en elle et qui éveillait dans mes pensées tant de réponses immédiates.

*
L'homme est un livre. Je précise l'homme et non pas sa vie. Adieu, fictions livresques dont on fait de pitoyables étiquettes pour le réel, et vice versa. Adieu, analogies opaques entre le vécu et l'écrit, peuplées d'illusions, comme s'il s'agissait de deux miroirs situés l'un en face de l'autre.
L'homme est un livre. Un objet tout fait, que l'on prend dans les mains et dont on ignore tout à première vue. Quelque chose à comprendre. Un appel de signes inconnus, extra-terrestres.
L'homme est un sens à construire, à travers ce que l'on voit. Un pictogramme sur l'écran. C'est le style aussi. Chaque être humain n'est en fait qu'un exercice d'écriture. L'extrême interrogation des limites des mots et le pas cadencé des contradictions.
N. est une ouevre littéraire parfaite. Je peux la lire. Je peux l'aborder par les entailles. Le nom. Les sourires. La ponctuation des gestes. L'intertexte des expériences qui l'avaient marquée d'un code douloureux. Mais je n'arrive jamais à dénoncer quoi que ce soit. C'est toujours moi qui écris et réecris N. sans la définir.
Je m'habituai à percevoir N. comme le style d'un auteur. J'appréciais sa beauté, le calme de sa voix, en me servant des outils poétiques. N. représentait une nuance stylistique particulière, quelque chose entre la discipline de Marguerite Yourcenair et la gravité solennelle de Joseph Conrad: le culte de l'analyse, de l'exactitude et des oppositions. Et, en outre, la perfection dans l'expression des apparences.
Puis je relevais les champs lexicaux de N. Je tâtonnais pour en extraire une essence pure, une sérenité sévère, une froideur veinée légèrement de premiers rayons d'aurore.
Et enfin venaient les gestes. Un regard complice. Trois points. Un sourire. Point d'interrogation. Une caresse douce qui m'effleurait la main. Point d'exclamation. Et si l'on renversait l'ordre? Serait-ce la même N., celle qui m'attirait avec la maturité étonnante de son regard?
Je compris bientôt que ma connaissance de N. serait toujours subjective et temporaire. Et, qui plus est, dérisoire dans sa précarité formelle. Pour cela je dus quand même faire un long chemin fastidieux.

*
Une fois notre livre publié, ma relation avec N. devint irrégulière. Elle avait ses étudiants, son emploi du temps, ses cours universitaires, ses petites occupations et passions dont elle ne pouvait certainement pas se passer. Non que notre coopération allât mal; juste au contraire, nous nous entendions parfaitement. Mais cette femme était faite comme ça, elle s'adonnait entièrement à tout ce qu'elle faisait, au point d'y consacrer sa propre vie. Cependant elle passait facilement d'un engagement à l'autre, sans rien regretter de ce qui était du passé.

*
Quant à moi, je supportais mal cette séparation. Les deux ans de l'effort commun me marquèrent profondément. Et plus les jours s'écoulaient, stériles et incolores, plus j'avais l'impression de devenir une source déchirée, qui saigne et s'asphyxie en vain. Les semaines semblaient couler en amont, et les levers ou les couchers du soleil ne bouclaient plus le cercle du temps. Tout se confondait: mes souvenirs, les pages du livre élaboré ensemble et les fenêtres de l'appartement de N., donnant sur une rue étroite, scintillant dans le soleil du mois de juin.

*
Je cédai alors devant le désir de contacter N. Après avoir longemps réfléchi sur ce sujet je conclus, qu'il fallait lui téléphoner. Tout court. Rien de plus simple et de plus rassurant.

*
- Allô? - c'était la voix de N. Et moi, je restai muet, mon portable à la main. Je ne répondis point.
Silence et stupéfaction. Sans déception, pourtant. Je comprenais que c'était établi. Et, bien que mes intentions eussent été probablement mal comprises, l'essentiel était que nous nous étions efforcés à partager ensemble une aventure vierge. Illusoire, sans doute. Sans nom exact. Sans temps et sans espace. L' aventure du texte humilié.

*
Ensuite ce fut l'idée d'une lettre. Écrire à N.! Quelle perspective! Dans l'écriture on est en effet moins gêné. Oui, je lui écrirais tout de suite!
Le soir même, je m'assis derrière mon bureau, je pris une belle feuille de papier et... me voilà de nouveau coincé.
Jusqu'alors je ne voyais dans la langue qu'un système uniquement technique, qu'un mécanisme infaillible, où chaque élément avait sa place. Ce système ne possédait qu'un seul rôle: celui de servir à l'homme d'outil pour communiquer.
Ecrire et parler étaient des activités si évidentes pour moi, qu'il ne m'était jamais venu à l'esprit de les interroger davantage. Soudain, cette conviction se mit à fondre lentement. La première preuve en était cette conversation téléphonique ratée sans raison.
Avec la lettre cela devint encore pire. Je vis dans la langue un territoire magique, où tout ce qui était né dans l'esprit humain s'exhibait. Elle me parut semblable à un écran, intime et universel à la fois, où défilaient des milliers de générations de pensées: les générations passées, plus que centenaires, et les générations à venir.
Je me rappelai alors que N., quand elle me parlait, faisait toujours attention aux mots. Il y en avait qu'elle préférait et il y en avait dont elle se méfiait. J'avais appris d'elle que les mots étaient comme des vases. Selon les situations, nous les remplissons d'eau, d'huile, de sang, de larmes, disait-elle. Tout à coup cela m'effraya et me rendit impuissant.
Les mots dans un livre étaient faciles et dociles. Les auteurs les avaient unis dans des phrases, pour que l'on pût les lire. On n'était plus obligé de les chercher. Ils se trouvaient déjà là, sur les pages, nus, flexibles, entr'ouverts.
Toutefois la vérité demeurait un mélange de mots qu'il fallait d'abord repêcher. Et je tentai d'explorer les frontières des mots, les oscillations entre le vécu collectif et le vécu individuel qu'ils traduisaient.
Chère N., comme vous me manquez! – commençais-je ma lettre. Puis je barrai cette phrase. Chère N., merci pour tout ce que vous m'avez... C'était purement absurde. Elle ne saurait jamais ce qu'elle m'avait donnée. Chère N., j'admire votre douceur... Et la douceur? Peut-être serait-ce pour elle un mot passe-partout? D'accord, on pourrait le remplacer par tendresse. Mais ça sent le Marché aux Puces. Chère N., pardonnez-moi ma hardiesse excessive... Je vous en prie de...
Nom d'un nom! Saisi d'une grande colère, je jetai la feulle à la poubelle. Je m'aperçus que je ne savais plus utiliser la langue d'une manière plausible. Derrière les barrières des mots, j'affrontai mon incapacité à écrire. Les nuances du langage m'enduisaient dans les plus étranges obsessions. Elles réduisaient les mots à quelques couleurs de base, au moyen desquelles j'avais tout à l'heure cru pouvoir tout dire et tout créer. Quelle bêtise!
Or, je savais désormais, que je ne ferai jamais miens ces mots, tatouages de la mémoire humaine. Et N. ne les fera pas siens, elle non plus.

J'abandonnai le projet de lui écrire.

*
Après tous ces échecs, je fis recours à la dernière tentative: la rencontre! Et j'inventai un stratagème malin: je fréquenterais le quartier Montorgueli-Saint-Denis pour y croiser un jour N. par hasard.
L'espoir de voir N. à Paris ne me quitta plus pendant de longues semaines. Dans la tranquilité tiède du 2e arrondissement je reconnaissais tant d'endroits existants ou non-existants, où tous les auteurs du monde situaient leurs drames fictifs ou réels. Et, contre toute attente, Montorgueil-Saint-Denis devenait témoin. Témoin de tout ce qui pourrait encore m'arriver. Le crépuscule s'abaissant sur la ville, ce quartier s'éteignait, enveloppé de poussière dorée. Dans ce cadre N. se présentait partout. Je la voyais sortir du métro, passer devant un salon de coiffure, regarder des vitrines, acheter des cerises chez un marchand. Son omniprésense soudaine me semblait dégénérée. Quand les rues se vidaient, je me sentais tout seul avec N., dont le pas rapide retentissait dans l'ombre derrière chaque coin.
Un soir, à l'heure où les dernières lueurs d'été se dissipaient dans la bouche de Paris, j'aperçus vraiment N. Elle se dirigeait vers la station Sentier. Il suffisait de courir quelques mètres et de l'appeler, avant qu'elle ne descendît. Et justement, à ce moment-là, une force mystérieuse me retint. Je restai sur place, suivant du regard la silhouette de N. Les premières lanternes la tachaient de leurs sourires jaunes. Je permis à N. de disparaître. À mon grand étonnement, je me sentis très heureux.



III.

Rentré chez moi. Le sentiment du bonheur ne s'envole pas encore. Je découvre, comme par illumination, qu'il existe une des plus grandes satisfactions dans ce qui ne se passa pas. Dans l'inédit des faits et des personnages.

*
Certes, l'absence des mots et des événements nous épargne ce sentiment incommode d'avoir laissé derrière nous des traces ineffaçables de notre passage. Le non-arrivé est réconfortant, car on a l'illusion de pouvoir toujours tout recommencer. Mais, et j'insiste là-dessus, ce n'est pas la peur des erreurs qui m'insipre.
Il y a, dans le non-accompli, quelque chose de plus important: l'infraction de tous les tabous quotidiens, de tous les tabous de l'instant.
Le silence est le plus évocateur, du fait qu'il incarne l'extase de toute parole possible. Et ainsi tout ce que nous nous abstenons de mettre en oeuvre, devient le lieu commun des actions et des interactions multiples et virtuelles, intuitivement pressenties, mais jamais effectuées.

*
Ma lecture de N., si tenace et détaillée, se révéla tout d'un coup inutile et pleine de mirages nomades, d'illusions d'exploration et de nominalisation. Je cherchais des voluptés codées et non pas des pulsions indicibles et illisibles, migrant dans les temps et les espaces du non-actuel. Celles qui auraient existé outre mes sens, outre ma pensée, voire outre ce que N. savait elle-même d'elle-même.

*
N. est absente. Et par conséquent – éternelle. Susceptible d'être décryptée à tout moment. Telle qu'elle peut mourir et renaître. Révélée dans la douleur douillette de toutes les rencontres futures qui n'auront jamais lieu. Et qui seront, pour cela, parfaites.



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Alek Osiński
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Re: Rencontre possible

#2 Post autor: Alek Osiński » 20 wrz 2012, 23:17

To gdzie to tłumaczenie?... :myśli:

iskierka

Re: Rencontre possible

#3 Post autor: iskierka » 20 wrz 2012, 23:21

Alek Osiński pisze:To gdzie to tłumaczenie?..
Właśnie Gdzie?? :myśli:

emelly
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Re: Rencontre possible

#4 Post autor: emelly » 21 wrz 2012, 0:15

To jest własne opowiadanie Gloinnen w języku francuskim :smoker:

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Re: Rencontre possible

#5 Post autor: Gloinnen » 21 wrz 2012, 0:23

Tak, to jest moje opowiadanie, jeszcze z czasów studenckich. Nie bardzo wiedziałam, gdzie wrzucić, więc dałam tutaj...
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Re: Rencontre possible

#6 Post autor: Nalka31 » 31 paź 2012, 19:12

To może daj w takim razie polski odpowiednik Glo. :vino: :rosa:
Wiatr kroczy moim śladem. Nie nie kroczy, to ja jestem Wiatr.

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Re: Rencontre possible

#7 Post autor: Gloinnen » 31 paź 2012, 21:48

Ech, jak znajdę czas, żeby to sensownie przetłumaczyć...
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Re: Rencontre possible

#8 Post autor: Garga i Panta » 31 paź 2014, 7:34

A ja sobie narobiłam apetytu... :crach:
prawo moralne we mnie

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